< Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Point n’en est besoin, dit Yvon.

— Et de la glu ?

— Ne t’inquiète pas de ça.

Il balançait son corps nonchalamment, d’une façon gauche, fusé.

Des chèvres brunes, dont les cornes ressemblaient à des dents de herse, des moutons floconneux rentraient par troupeaux mêlés. Aux cris des bergers : — trie, trie, trie, — ils se divisaient docilement, et chaque bande rentrait à son toit.

Le soleil se couchait.

— C’est le moment, dit Yvon ; l’horizon communie.

— S’pas ! nous ferons des guirlandes d’oiseaux morts !

Cependant un doute vint à Yvone.

Tout le monde lui parlait de la pipée, et, jusqu’à ce jour, personne n’avait voulu l’y conduire. On riait même, en se dérobant à ses prières pressées.

— Si c’était une menterie ? dit-elle.

Yvon jura sur tout ce qu’on voudrait.

Puis il coupa deux baguettes longues et flexibles dont il ôta soigneusement les feuilles et les nœuds.

— Tiens, comme ça ; un seul coup sur la tête quand ils dorment, et ils tombent comme des prunes mûres.

— Je n’y croyais point, dit-elle.

Il ajouta, pour paraître plus nature :

— On les manque souvent.

— Mais les pipeaux et la glu ?

— Nous les trouverons là-bas ; même y en a qui s’en passent.

Ils marchaient entre deux haies, sur un gravier lisse qui devenait lit de torrent aux gros orages.

    Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.