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LUCIEN. — Robert, vous pensez noblement. Vous allez comprendre

ma vie et, sans condamner —ni justifier mon passé, vous jugerez avec moi de ce que doit être mon avenir. ROBERT. —_Si je vois quelque vérité certaine, je la dirai. Sinon, je dirai : je ne sais pas… LUCIEN_. — Écoute, mon fils, ta mère… Oh ! je n’aurais jamais cru que certaines choses fus-sent si difficiles à dire… ROBERT. — Ma mère’)… LUCIEN. — Ta_mère_vit, mais… Tu es de ceux à qui on peut tout dire, de ceux qui reçoivent sans faiblesse et sans colère le choc de toutes les vérités, de ceux… ROBERT. — De grâce, mon père, parlez. LUÇIEN ». j— Ta mère vit, mon enfant, mais, si tu la connaissais, tu ne Ya-imerais point. ROBERT. — Pourquoi ? LUCIEN. — Parce que tu aimes les intelligences. ROBERT. — j’aime surtout les cœurs. LUCIEN. — L’un ne va guère sans l’autre, mon ami.

ROBERT. — Ce que vous dites est invraisemblable. Pourquoi l’auriez-vous épousée ?

LUCIEN. — Je _ : 1e sais plus. Elle était jolie, je crois. Un coup de passion… Mais bientôt l’existence devint insupportable. Elle ne comprenait rien, et elle se plaignait toujours… Oh ! passer sa vie li entendre geindre ! ROBERT. — Elle souffrait, sans doute. Il eût fallu la consoler. LUCIEN. — Il y a des gens qui geignent pour geindre.

ROBERT. — Peut-être parce qu’on refuse d’entendre leurs plaintes. Ils insistent pou : qii on s occupe d’eux. lls appellent désespérément la tendresse qui se dérobe, la tendresse qu ils découragent eux-mêmes maladroitement… parce qu il leur semble, à ces êtres trop simples et trop bons, qu il n’est pas nécessaire d’être adroit, qu’il suffit d’aimer pour être aimé et d avoir besoin de consolation pour être consolé… (Comme à lui-même.) lls valent mieux ue moi, auvre or ueilleux, qui me retire a la moindre apparence de froideur… Mon petit chien pleure jusqu’à ce que je le caresse. Quand il pleure trop longtemps, c’est rnoi qui_ai tort… (A Lucicn.) M815, mon —père, continuez, je vous prie. Si je_ puis prononcer quelque parole utile, c est seulement quand je saurai.

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