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LUCIEN. — Elle sentira que j’aime toujours Louise. Elle se vengera

sur « le pauvre innocent de Louise et de moi. ROBERT. — Oui, diabord, avant de réfléchir, il est probable quielle ne verra que vous deux ; et elle vous verra comme des ennemis auxquels il serait bon de taire du mal. Mais les pensées hostiles ne durent guère en présence d’une douleur. Et il ne peut plus être un ennemi, celui qui {en remet à vous, qui vous fait juge. LUCIEN. — Elle jugerait durement. ROBERT. — Non. La haine parle la première. Mais elle se satisfait et s épuise en paroles. Ensuite la conscience juge. LUCIEN. — La conscience des êtres simples ne juge que les autres, et elle condamne volontiers. Ta mère nous trouve coupables ; sa vengeance lÜl paraîtra un châtiment légitime. ROBERT. — Non, parce que vous vous avouerez. coupable. (Un geste de protestation de Lucien. Robert continue d’un ton plus souriant.) Puisque vous dites qu el-le est restée une enfant, vous lui accorderez la puérile vanité de pardonner. LUCIEN. — Je ne puis rriihumilier devant elle. Je ne suis pas plus coupable qu elle, Les circonstances ont tout fait. ROBERT. — Je vous en prie, mon père, examinez les choses froidement, « comme s’il {agissait d un autre. Vous verrez alors que vous êtes un peu coupable envers ellle, puisque vous avez agi de telle sorte qu’elle vous croit coupable. Le devoir, c est peut-être de ne point abattre ou irriter les faibles sous l’impression d’une injustice… Vous avez exigé d’un être que vous prétendez inférieur autant que d’un égal. Ënvers une enfant, vous avez agi sans ménagement, sans vous préoccuper de l’idée que vous alliez troubler sa raison et briser toutes ses forces morales… Vous avez tait une promesse, et vous ne l’avez point tenue…. LUCIEN, — Je ne pouvais la tenir. ROBERT. — Ne dites pas cela, mon père. (Ïest cette pensée même qui est toute votre ifaute… Ûu plutôt_votre faute est _cloiible. Vous vous êtes engagé imprudemment, sans bien songer à quoi… LUCIEN. _— lÊst-il juste qu’une imprudence de jeunesse pèse sur toute une Nie ? ROBERT. — Sur deux vies, mon père. Su-r la vie_ de fimprudent et sur la vie cl une enfant Iquicrut en lui. La faute — si faible soit-elle « est d un seul, et elle a fait Jeux malheureux.

LUCIEN. — Pourquoi ne dis-tu pas trois ? Pourtant — je le sens bien,

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