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un poids vingt fois supérieur à celui de mon corps. Je réussis même à soulever un caillou qui, sûrement, pesait trente fois autant que moi. Je cessai bientôt ce dernier effort qui me fatiguait et qui peut-être était dangereux.

À ce moment, le côté gauche de mon cerveau subit une agression de ma pensée humaine. Elle parvint à remonter à la conscience, à se dresser fièrement, une seconde. Mais je chargeai cet homme présomptueux d’un poids proportionnel à celui que je venais de soulever. Je lui dis : « Tu pèses soixante-dix kilos. Voici vingt quintaux sur tes épaules. » Parce que je le chargeai un peu en arrière, il ne s’emboîta pas en lui-même, comme un ressort écrasé. Il s’écroula à la renverse, faible insecte entraîné par la chute d’un rocher.

Une fourmi venait à moi. Ses antennes frôlèrent les miennes. En un reproche affectueux et que, par un usage hardi de l’analogie, j’oserai appeler un reproche souriant, elle me dit :

— Eh ! la paresseuse, viens nous aider. Nous avons découvert un gibier étonnant, mais difficile à capturer.

Je la suivis avec empressement et voici le spectacle auquel bientôt j’assistai :

Un ver de terre énorme était à moitié sorti de son trou. Une centaine d’ouvrières le tenaient, tiraient avec une ardeur folle et inutile, comme des hommes qui essaieraient, en le soulevant de leurs

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