THÉOPHILE GAUTIER. 333
C’est aussi de tous ses volumes de vers celui qui a le plus réussi, et peut-être, à" y bien regarder, est-ce le recueil qui depuis les grands succès des Musset, des Hugo, des Lamartine, a eu le plus de débit ; il y en a eu jusqu’à quatre éditions. Toutes les pièces, moins une, y sont en vers de huit syllabes et divisés en couplets de quatre vers. On a cru remarquer que cette forme a prévalu depuis et a fait école : Palexandrin est fort négligé des débutants. Dans ce recueil la sensibilité se dérobe volontiers sous l’image ou sous l’ironie : ce n’est pas à dire qu’elle soit absente. Les Vieuœ de la Vieille, par exemple, souvenir’de la rentrée des Cendres de Napoléon, sont une des pièces où le calme du dilettante s’est le plus démenti et où le sourire est le plus près desnpleurs. Un jour que IWW J... du ‘théâtre-Français récitait la pièce dans une soirée, l’auteur présent, celui-ci surpris lui-même et gagné au sentiment que sa poésie recélait se mit tout d’un coup à éclater en sanglots. Bravo ! ô- stoïcien de l’art, qui affectez parfois plus dïtnpassibilité que vous n’en avez ; ne vous repentez pas d’avoir obéi un moment à la nature et d’avoir trahi cette source du cœur qui est en vous ! Cet air de parfaite insensibilité (vous le savez mieux que moi) ne provient souvent que d’une pudeur extrême de la sensibilité la plus tendre, qui rougirait de se laisser soupçonner aux yeux du monde et des indifférents. 19.