THÉOPHILE GAUTIER‘ ’ 331
d’Isabelle l’en récompense. Sigognac, en se faisant comédien, déroge, il ne se dégrade pas : il s’honore plutôt aux yeux du lecteur comme aux siens. La représentation dans la grange, chez Bellombre, un ancien camarade qu’ils ont retrouvé près de Poitiers, devenu riche par héritage et propriétaire, est un nouveau tableau. On va en effet dans ce roman de tableau en tableau. l] n’est pas une page qui n’en représente un tout fait ou a faire. lci, ces cavaliers qui attendent à l’embranchement du chemin pour l’enlèvement de la soubrette avec des mules à grelots et empanachées, c’est un Wouwermans tournant un peu a l’espagnol ; - cette représentation dans une grange chez Bellombre, c’est un Knaus, transporté d’Alsace en Poitou ; -cet effet de neige, c’est un souvenir russe, un paysage, si vous le voulez, de Swertchkow. ’I’ont est ainsi, et je me figure le roman comme un canevas etun prétexte à tableaux. (Yest. un roman-album à l’usage des artistes des amateurs d’estampes, des collecteurs d’Abraham Bosse ou de Callot. le laisse la série des aventures ; elles se multiplient surtout’et se compliquent après l’arrivée à Paris. L’auteur n’a pas craint, puisqu’il avait affaire à des comédiens, de leur appliquer dans la vie les aven-l tures mêmes des tragi-comédies qu’ils représentent ; il 11’a pas manqué d’employer la reconnaissance finale et subite, ordinaire à ces fabuleux dénuements, en faisant d’Isabelle la fille d’un prince. Encore une fois, l’action n’est que secondaire ; c’est le détail tout spirituel et pittoresque qui est tout ; ll paraît assez clairement que le romancier n’est pas pressé, qu’il ne tend pas au but,