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— Oui, vous avez commencé cette phrase : « J’ai cru… » Il faut l’achever.

— Je ne me souviens plus.

— Souvenez-vous ! dit d’Argères.

Elle ferma les yeux comme pour regarder en elle-même, puis elle lui répondit :

— J’ai cru que j’étais complètement délaissée.

— Par qui ?

— Par vous deux. Par vous, c’était tout simple, et je ne pouvais ni m’en étonner ni m’en plaindre ; mais par Toinette… je n’y comprenais rien… Attendez ! Oui, j’étais sous l’empire d’un mauvais rêve.

— Est-ce que vous avez dormi ?

— Je ne crois pas. Je rêve aussi bien quand je suis éveillée que quand je dors ; et, d’ailleurs, je ne distingue pas toujours bien ma veille de mon sommeil… Ah çà ! ajouta-t-elle après une pause inquiète, est-ce que vous ne savez pas que je suis folle ?

— Pourquoi me retirez-vous vos mains ? dit d’Argères frappé de son mouvement.

— Parce que l’on ne s’intéresse pas aux fous, je le sais. Quelque doux et soumis qu’ils soient, on en a peur. Si donc vous ne connaissez pas ma situation, si Toinette ne vous a pas dit que j’étais une sorte d’idiote tranquille, privée de mémoire et incapable de suivre un raisonnement, il faut que vous le sachiez.

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