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« — Puisque je vais mourir ! »

Il l’aime, elle le lui dit. Il me trompe par vertu, par bonté, mais il l’aime, c’est bien sûr. S’il ne le lui a pas dit, elle l’a bien vu, et moi aussi d’ailleurs je le voyais bien… Pauvre Paul, comme il a été malheureux à cause de moi ! comme il s’est défendu, comme il a été grand et généreux ! J’ai eu tort de lui cacher son bonheur. Il n’en eût pas profité tant que j’aurais vécu ; c’est pour cela qu’il faut que je me dépêche de partir. Je reste trop longtemps ; chaque jour que je vis, il me semble que je le lui vole. Ah ! j’ai été lâche, j’aurais dû lui dire :

« — Laisse-moi encore quelques semaines pour bien regarder mon pauvre enfant ; je voudrais ne pas l’oublier quand je serai morte ! Va donc à ce rendez-vous, ce ne sera pas le dernier : vous vous aimez tant que vous ne saurez pas si vous êtes coupables de vous aimer ; seulement ne me dis rien. Laisse-moi croire que tu n’iras peut-être pas. Pardonne-moi d’avoir été ton fardeau, ton geôlier, ton supplice ; mais sache que je t’aimais encore plus qu’elle ne t’aime, car je meurs pour que tu aies son amour, et elle n’eût pas fait cela pour toi… »

Elle parla encore longtemps ainsi avec exaltation et une sorte d’éloquence ; je ne l’interrompais point, car Paul était entré sans bruit. Il se tenait derrière son rideau et l’écoutait avec attention. Il voulait tout savoir. De son côté, elle m’avouait tout.

— Vous me justifierez quand je n’y serai plus, disait-elle ; faites-lui connaître que, si je ne suis pas morte plus tôt, ce n’est pas ma faute. J’ai fait mon

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