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— Vous dîneriez bien mal avec moi, me disait-il, car j’ai quelquefois cinq minutes pour manger ce qu’on me donne, et je n’ai jamais le temps de savoir ce que c’est ; je vois bien que c’est là ce qui vous désole, ma bonne tante. Vous pensez que je me nourris mal, qu’il faudrait m’initier aux avantages du pot-au-feu patriarcal, vous me forceriez de mettre une heure à mes repas. Je suis encore loin du temps où cette heure de loisir moral et de plénitude physique ne serait pas funeste à ma carrière. Je ne peux pas perdre un instant, moi. Je ne rêve pas, j’agis. Je ne me promène pas, je cours. Je ne fume pas, je ne cause pas ; je ne songe pas, même en dormant. Je dors vite, je m’éveille de même, et tous les jours sont ainsi. J’arrive à mon but, qui est de gagner douze mille francs par an ; j’en gagne déjà quatre. À mesure que je serai mieux rétribué, j’aurai un travail moins pénible et moins assujettissant. Ce n’est pas juste, mais c’est la loi du travail : aux petits la peine.

— Et quand gagneras-tu cette grosse fortune de mille francs par mois ?

— Dans une dizaine d’années.

— Et quand te reposeras-tu réellement ?

— Jamais ; pourquoi me reposerais-je ? Le travail ne fatigue que les lâches ou les sots.

— J’entends par repos la liberté de s’occuper selon les besoins de son intelligence.

— Je suis servi à souhait : mon patron n’édite que des ouvrages sérieux. J’ai tant lu chez lui que je ne suis plus un ignorant. Voyant que mes connaissances

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