au moment où elle recevrait ma confidence tout entière ; car je prévoyais bien qu’ Alezia ne lui cacherait aucun détail de ce petit roman, dont je n’avais pas le droit de me faire l’historien exact sans son ordre. Je craignais d’ailleurs que l’énergie de cette jeune fille effrayant la faiblesse de sa mère du tableau de sa passion, celle-ci ne vînt à lui donner un consentement que je ne voulais pas ratifier. L’une et l’autre avaient besoin du secours de ma volonté calme et inébranlable, et c’était peut-être lorsqu’elles seraient en présence l’une de l’autre que j’aurais besoin d’une force qui manquerait à toutes deux.
J’en étais là lorsqu’on frappa à ma porte, et un homme s’approcha dans une attitude respectueuse. Comme il avait eu soin d’ôter sa livrée, je ne le reconnus pas d’abord pour le domestique qui m’avait tant regardé le jour de l’aventure de l’église ; mais comme nous avions maintenant le loisir de nous examiner l’un l’autre, nous jetâmes spontanément un cri de surprise.
— C’est bien vous ! me dit-il ; je ne me trompais pas, vous êtes bien Nello ?
— Mandola, mon vieil ami ! m’écriai-je, et je lui ouvris mes deux bras.
Il hésita un instant, puis il s’y jeta avec effusion en pleurant de joie.
— Je vous avais bien reconnu ; mais j’ai voulu m’en assurer, et, au premier moment dont je puis disposer, me voilà. Comment se fait-il qu’on vous appelle dans ce pays le seigneur Lélio, à moins que vous ne soyez ce chanteur fameux dont on parlait tant à Naples, et que je n’ai jamais été voir ? Car, voyez-vous, je m’endors toujours au théâtre, et, quant à la musique, je n’ai jamais pu y rien comprendre… Aussi la signora ne me force jamais de monter à sa loge avant la fin du spectacle.
— La signora ! oh ! parle-moi de la signora, mon vieux camarade.