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quitta sa chaise et ramassa l’éventail de la prima donna. Elle le lui présenta avec une grâce charmante, et lui dit d’un ton caressant, que rendait plus naïf encore son accent étranger :

— Vous aurez la bonté, n’est-ce pas, madame, de parler de moi à monsieur votre frère ?

— Vous voulez dire mon mari ? répondit Checchina en recevant son éventail d’un air moqueur et en toisant la jeune Anglaise avec une curiosité malveillante.

L’Anglaise retomba sur sa chaise comme si elle eût été frappée à mort ; et la Checchina, qui détestait les femmes du monde et prenait une joie féroce à les écraser quand elle se trouvait en rivalité avec elles, ajouta en se pavanant d’un air distrait dans la glace placée au-dessus de l’ottomane :

— Écoutez, chère miss Barbara. Je vous veux du bien ; car vous me paraissez charmante. Mais il faut que vous me disiez toute la vérité : je crains que ce ne soit pas l’amour de l’art qui vous amène ici, mais bien une sorte d’inclination pour Lélio. Il a inspiré sans le vouloir beaucoup de passions romanesques dans sa vie, et je connais plus de dix pensionnaires qui en sont folles.

— Rassurez-vous, madame, répondit l’Anglaise avec un accent italien qui me fit tressaillir, je ne saurais avoir la moindre inclination pour un homme marié ; et quand je suis entrée dans cette maison, je s~vais que vous étiez la femme de M. Lélio.

La Checchina fut un peu déconcertée du ton ferme et dédaigneux de cette réponse ; mais, résolue de la pousser à bout et redoublant d’impertinence, elle se remit bientôt et lui dit avec un sourire étudié :

— Chère Barbara, vous me rassurez, et je vous crois l’âme trop noble pour vouloir m’enlever le cœur de Lélio ; mais je ne puis vous cacher que j’ai une misérable faiblesse.

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