suis pas digne encore par mes actions, je le suis par mes sentiments ; mais, ajouta-t-il en retombant à genoux près d’elle, vous vous moquez de moi, vous n’êtes pas républicaine ; vous ne pouvez pas l’être.
— Apprenez, répondit-elle, que je suis d’un pays où on ne peut pas cesser de l’être à moins de se dégrader. Notre république a duré plus que celle de Rome, et ce n’est que d’hier que nous sommes esclaves ; mais sachez que nous savons haïr nos tyrans, nous autres. Un Vénitien, à moins d’avoir abjuré sa patrie, ne baiserait pas la main d’une Allemande, tandis que vous êtes à genoux près de moi, que vous croyez monarchique.
— Je sais que vous êtes belle comme un ange et brave comme un lion, et à présent que je vous sais républicaine, je baiserais vos pieds si vous me le permettiez.
— Vous êtes forts en beaux discours sur la liberté, vous autres, reprit-elle ; mais nous avons un proverbe que vous devez comprendre : Più fatti che parole. À l’heure qu’il est, nous sommes sous le joug, et on nous croit écrasés parce que nous le portons en silence ; mais on ne sait pas ce que sera notre réveil quand l’heure sera venue.
— Je crains qu’elle n’arrive pas plus tôt pour vous que pour nous, répondit Simon ; si toutes les âmes italiennes étaient aussi courageuses que la vôtre, si tous les cœurs français étaient aussi convaincus que le mien, nous ne subirions pas la honte des lois étrangères.
— Espérons des jours meilleurs, dit Fiamma ; mais ce n’est pas le moment de parler politique. Pourquoi ne venez-vous pas chez mon père ?
— Mais, dit Simon un peu embarrassé, je n’ai pas l’honneur de le connaître.
— Il vous a engagé plusieurs fois, je le sais ; pourquoi avez-vous refusé ?