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l’île, malgré les supplications des siens. Parce qu’elle se reconnaissait à jamais perdue. Il la fit entrer à Brest dans une maison publique.


« — Elle m’écrivit quelque temps, me dit Laure, qui avait été son amie d’enfance, et puis je ne reçus plus de nouvelles. Je veux espérer qu’elle est morte : bien des fois, j’ai demandé à Dieu qu’il la rappelle à lui. Et souvent je pleure en pensant à ma petite Louise d’autrefois.

« Mais, comment savoir ? Où la retrouver, là-bas, si elle vit encore, dans quelque ville populeuse ?… Et ici même, qui tenterait cette œuvre de délivrance ? Qui se souvient d’elle ?… Il y a eu tant d’événements depuis !… Tenez, voilà sa plus jeune sœur, c’est tout son portrait, un visage de rêve… et elle est souillée, elle est « pourrie », elle aussi. Et moi-même, fit Laure en saisissant ma main dans sa main moite, à mon tour, je suis marquée de honte… Ah ! mon ami, regardez mes dents, mon teint blafard et mes yeux ternes… Voilà où m’a conduit l’ivresse d’un beau soir. — Je suis jolie encore, dites-vous ?… Mon charme n’est plus qu’un poison. »

Laure disait vrai : pauvre Louise !… Elle fut une des premières et des plus tendres victimes. Mais, malgré tant de changements dans l’île, ceux

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