< Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pondit-il résolument, et en jetant un regard docile

vers le maître, il secoua ses cheveux. — Mais c’est impossible de vivre au nouveau hameau.

— Pourquoi ?

— Non, Votre Excellence, nous sommes de très mauvais paysans ici, mais si vous nous transportez là-bas, jamais nous ne pourrons vous servir. Quels paysans serons-nous là-bas ? Comme vous voudrez, là-bas c’est impossible de vivre.

— Mais pourquoi donc ?

— Nous serons complètement ruinés, Votre Excellence.

— Pourquoi, ne peut-on vivre là-bas ?

— Mais quelle vie là-bas ? Juge toi-même. C’est un endroit inhabité, on ne connaît pas l’eau, il n’y a pas de pâturages. Ici, chez nous, les terres sont fumées depuis longtemps, et là-bas, hélas ! Qu’y a-t-il là-bas ? Rienl Pas de haies, pas de séchoirs, pas de hangars, il n’y a rien. Nous nous ruinerons complètement, Votre Excellence ; si vous nous chassez là-bas, ce sera notre ruine complète ! C’est un endroit nouveau, inconnu… — répéta-t-il pensivement, mais résolument et en hochant la tête.

Nekhludov voulait prouver au paysan que le changement était, au contraire, très avantageux pour lui, que l’on construirait là-bas des haies et des hangars, que l’eau, là-bas, était bonne, etc. Mais le silence sombre de Tchouris l’embarrassait et il sentait qu’il ne parlait pas comme il le fallait.

    Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.