Au début, dès que les prisonniers lui demandaient son aide, il se mettait en campagne pour intercéder en leur faveur et tâcher d’alléger leur sort. Plus tard le nombre des quémandeurs était devenu si grand que, sentant l’impossibilité de venir en aide à chacun d’eux à part, malgré lui il avait été amené à s’occuper d’une quatrième affaire qui, ces derniers temps, l’avait absorbé plus que toutes les autres.
Cette quatrième affaire tendait à la solution de la question : Pourquoi ? Comment ? D’où était née cette étrange institution, qu’on appelle le tribunal criminel, lequel a pour conséquences cette prison dont il avait appris à connaître en partie les habitants, et tous les lieux de détention, depuis la forteresse de Pierre-et-Paul jusqu’à Sakhaline, où languissent des centaines de milliers de victimes de cette loi pénale, si stupéfiante pour lui ?
De sa fréquentation avec les prisonniers, des renseignements fournis par l’avocat, par l’aumônier, par le directeur de la prison, des listes mêmes des prisonniers, Nekhludov avait été amené à répartir en cinq catégories l’ensemble des détenus qualifiés de criminels. La première comprenait ceux qui étaient nettement innocents, les victimes des erreurs judiciaires : comme Menchov accusé d’incendie, Maslova, et d’autres. Des observations de l’aumônier le nombre des détenus de cette catégorie était assez peu nombreux, sept pour cent environ,