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— J’estime, dit Novodvorov, que si nous voulons accomplir notre œuvre, la première condition pour cela, (Kondratiev avait laissé le livre qu’il lisait, près de la lampe, pour écouter attentivement son maître), c’est de bannir les chimères et de voir les choses telles qu’elles sont. Il faut tout faire pour le peuple et ne rien attendre de lui. Le peuple doit être l’objet de notre activité, mais il ne peut être notre collaborateur tant qu’il demeurera dans son état présent d’inertie, commença-t-il comme s’il faisait une conférence. C’est pourquoi il est complètement illusoire d’espérer son concours tant que son évolution, cette évolution à laquelle nous le préparons, ne sera pas accomplie.

— Quelle évolution ? demanda Kriltsov, s’empourprant tout-à-coup. Nous affirmons être contre l’arbitraire et le despotisme et n’est-ce pas là le despotisme le plus terrible ?

— Je ne vois là aucun despotisme, répondit sans s’émouvoir Novodvorov. Je dis seulement que je connais la voie que doit suivre le peuple et que je puis lui indiquer cette voie.

— Mais comment sais-tu que cette voie que tu lui indiques est la bonne ? N’est-ce pas le même despotisme qui engendra aussi bien l’Inquisition que les massacres de la Révolution française ? Ils connaissaient aussi, d’après leur science, la véritable et unique voie !

— Le fait qu’ils se sont trompés ne prouve pas

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