< Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peut atteindre l’esprit de l’homme, mais dont la

solution ne lui est pas donnée.

Il me semble que le développement de l’esprit humain, dans chaque individu, suit la même voie que le développement de l’esprit dans la génération entière, que les idées qui servent de base aux diverses théories philosophiques, forment les particules indivisibles de l’esprit, mais que chaque homme les conçoit plus ou moins clairement avant même de connaître l’existence des théories philosophiques.

Ces idées se présentaient à mon esprit avec tant de clarté et de vivacité, que je tâchais même de les appliquer à la vie, en m’imaginant que j’étais le premier à découvrir telle grande et utile vérité.

Une fois, il me vint à l’idée que le bonheur ne dépend pas des causes extérieures, mais de notre rapport envers elles ; que l’homme qui est habitué à supporter la souffrance ne peut pas être malheureux ; et pour m’habituer au travail, malgré un mal terrible, je tenais, pendant cinq minutes, à bras tendu, le dictionnaire de Taticheff, ou je me rendais dans le cabinet noir, et avec une corde, je me fouettais si violemment par le dos nu, que des larmes, malgré moi, coulaient de mes yeux.

Ou bien, en me rappelant subitement que la mort m’attendait à chaque heure, à chaque moment, je décidais, sans me demander pourquoi, jusqu’ici, les hommes ne l’avaient pas compris, que l’homme

    Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.