< Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
BÉHANZIGUE


EULALIE, l’Entauleuse


Il était sur les trois heures : lui, un bon bourgeois, voire Luxembourgeois, venu se débrider un peu à Paris. Il la rencontra ; sous un platane défeuillé du boulevard Haussmann, et qui venait de vaquer à sa besogne dans un garno des environs. Elle l’emmena au bar de l’Anguille.

— Parce que, vois-tu, mon gros, dit Eulalie, c’est le dernier ouvert.

— Oui, mademoiselle, répondit l’homme du Grand-Duché.

Eulalie, qu’on appelle aussi la Papin, a dix-huit printemps, et un visage si ridé d’avoir eu faim pendant des années entières qu’il en porte presque le double. Mais les roses et les lys — et l’œillet — se jouent autour de ses membres polis : et elle prend encore tant de plaisir à son métier que, lorsqu’elle vient de le faire, ses yeux, tout brillants encore d’une chatouilleuse joie, la transfigurent. Que te manque-t-il, ô Eulalie, pour être un objet d’admiration et de délices ? Un peu de bonheur : un peu de linge. Et depuis un an que tu connais les joies de l’épargne te voici déjà presque jolie.

    Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.