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moi, je suis arrivé et je ne sais pas quand mon agonie

finira !

J’avais à mes côtés, dans le train, un homme qui ne devait descendre de wagon que pour s’embarquer sur un paquebot ; il allait dans le pays des aventures et du soleil, où l’on se poignarde dans les tavernes, où l’on se tue à coups de pistolet dans les rues !

Il fallait lui dire :

« Emmenez-moi ! je me jetterai à côté de vous dans les mêlées — payez mon passage, et je vous vends ma peau pour le temps qui servira à m’acquitter ! Je ne serai pas chien, j’ai du sang de reste à vomir. »


Pourquoi ne le lui ai-je pas dit ?

C’est affreux ! il me semble que mon cœur s’en va et je pousse comme des aboiements de douleur.


Donc, par-devant, c’est le quai vide, la rivière lente, le canal sale ; à gauche, la prairie pleine de mélancolie…

Par-derrière s’étend la rue mal pavée, bordée de maisons de pauvres, pleine — comme toutes les rues misérables — d’enfants déguenillés, de femmes débraillées, de vieillards qui se traînent !

Il y a un nègre qui a cinq enfants dans ce tas, et qui va sans souliers et tête nue demander de l’ouvrage et du pain…

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