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poèmes

Un corps, ils arrivent, de loin, les malitornes,
Les éclopés et les lépreux, au réservoir
Miraculeux, prier à Benarès, l’Idole !

Désir d’être soudain la bête hiératique
D’un éclat noir, sous le portique,
Escarbouclé d’un temple, à Benarès.

Et regarder, témoin impassible et tragique,
Dardés, les yeux de fer, et les naseaux, hagards,
Droit devant soi, là-bas, le ciel mythologique,
Où le Siva terrible échevèle ses chars,
Par des ornières d’or, à travers les nuages :
Scintillements d’essieux et tonnerres de feux ;
Étalons fous cabrés, sur des tas de carnages ;
Rouge, la mer au loin et ses millions d’yeux !

Et devant ce décor incendié, maudire
L’homme niais et nul, qui se gave d’espoir,
Alors qu’un symbolique et quotidien martyre
Saigne son âme en croix, aux quatre coins du soir.

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