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pierre duchatelet

rait comme la serre d’un aigle ce frêle trésor de son

cœur tout à l’heure encore amoureux.

Deux bras enlacèrent son cou. Deux mains exquises, parfumées, blanchettes aux ongles roses, se trouvèrent sous ses lèvres qui ne les baisèrent pas.

Stupéfaites, les mains s’écartèrent dans un geste gentil, et la voix de la petite épouse, de l’enfant gâtée, s’éleva dans le silence de sa préoccupation.

— Chéri, à quoi penses-tu ?

Il tressaillit. Le médaillon tomba de sa main, le verre cassa.

— Toujours à toi, tu vois, petit chou bien-aimé. Et il ramassa le médaillon, le baisant à travers la brisure.

— Mauvais augure, dit-elle fronçant ses sourcils sur des yeux véritablement alarmés dont un baiser triste but les pleurs naissants.

Car ce qu’il l’aimait ! Et comme il cherchait un mensonge qui la rassurât, qui l’endormît en des rêves meilleurs que la vie, — mais qui l’affranchît, lui, le laissât libre d’agir pour la Patrie, de faire le Devoir, dussent-ils en mourir tous deux !

Elle, de son côté, restait méfiante d’une catastrophe pressentie. Et ses yeux qui lui souriaient maintenant, à lui, néanmoins demeuraient vagues, errant dans quelque avenir deviné sinistre.

Il lui prit les mains et les baisa longuement, len-

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