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s’étala devant une source fraîche, dans laquelle il trempa ses lèvres avidement ; Joe l’imita, et l’on n’entendit plus que ces clappements de langue des animaux qui se désaltèrent.

« Prenons garde, monsieur Dick, dit Joe en respirant. N’abusons pas ! »

Mais Dick, sans répondre, buvait toujours. Il plongeait sa tête et ses mains dans cette eau bienfaisante ; il s’enivrait.

« Et monsieur Fergusson ? » dit Joe.

Ce seul mot rappela Kennedy à lui-même ; il remplit une bouteille qu’il avait apportée, et s’élança sur les marches du puits.

Mais quelle fut sa stupéfaction ! Un corps opaque, énorme, en fermait l’ouverture. Joe, qui suivait Dick, dut reculer avec lui.

« Nous sommes enfermés !

— C’est impossible ! qu’est-ce que cela veut dire ?… »

Dick n’acheva pas ; un rugissement terrible lui fit comprendre à quel nouvel ennemi il avait affaire.

« Un autre lion ! s’écria Joe.

— Non pas, une lionne ! Ah ! maudite bête, attends », dit le chasseur en rechargeant prestement sa carabine.

Un instant après, il faisait feu, mais l’animal avait disparu.

« En avant ! s’écria-t-il.

— Non, Monsieur Dick, non, vous ne l’avez pas tuée du coup ; son corps eût roulé jusqu’ici ; elle est là prête à bondir sur le premier d’entre nous qui paraîtra, et celui-là est perdu !

— Mais que faire ? Il faut sortir ! Et Samuel qui nous attend !

— Attirons l’animal ; prenez mon fusil, et passez-moi votre carabine.

— Quel est ton projet ?

— Vous allez voir. »

Joe, retirant sa veste de toile, la disposa au bout de l’arme et la présenta comme appât au-dessus de l’ouverture. La bête furieuse se précipita dessus ; Kennedy l’attendait au passage, et d’une balle il lui fracassa l’épaule. La lionne rugissante roula sur l’escalier, renversant Joe. Celui-ci croyait déjà sentir les énormes pattes de l’animal s’abattre sur lui, quand une seconde détonation retentit, et le docteur Fergusson apparut à l’ouverture, son fusil à la main et fumant encore.

Joe se releva prestement, franchit le corps de la bête, et passa à son maître la bouteille pleine d’eau.

La porter à ses lèvres, la vider à demi fut pour Fergusson l’affaire d’un instant, et les trois voyageurs remercièrent du fond du cœur la Providence qui les avait si miraculeusement sauvés.

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