< Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je crains ces dévots, et fais bien :
À double tour fermons la porte,
Et poursuivons notre entretien.
Votre conte est de bonne sorte ;
D’un vrai plaisir il me transporte :
Pourrez-vous écouter le mien ?


  « C’est de Vénus qu’il faut parler encore ;
  Sur ce sujet jamais on ne tarit :
  Filles, garçons, jeunes, vieux, tout l’adore ;
  Mille grimauds font des vers sans esprit
  Pour la chanter. Je m’en suis souvent plainte.
  Je détestais tout médiocre auteur :
  Mais on les passe, on les souffre, et la sainte
  Fait qu’on pardonne au sot prédicateur.
  « Cette Vénus, que vous avez dépeinte
  Folle d’amour pour le dieu des combats,
  D’un autre amour eut bientôt l’âme atteinte :
  Le changement ne lui déplaisait pas.
  Elle trouva devers la Palestine
  Un beau garçon dont la charmante mine,
  Les blonds cheveux, les roses, et les lis,
  Les yeux brillants, la taille noble et fine,
  Tout lui plaisait : car c’était Adonis.
  Cet Adonis, ainsi qu’on nous l’atteste,
  Au rang des dieux n’était pas tout à fait ;
  Mais chacun sait combien il en tenait.
  Son origine était toute céleste ;
  Il était né des plaisirs d’un inceste.
  Son père était son aïeul Cynira,
  Qui l’avait eu de sa fille Myrrha ;
  Et Cynira (ce qu’on a peine à croire)
  Était le fils d’un beau morceau d’ivoire.
  Je voudrais bien que quelque grand docteur
  Pût m’expliquer sa généalogie :
  J’aime à m’instruire ; et c’est un grand bonheur
  D’être savante en la théologie.
  « Mars fut jaloux de son charmant rival ;
  Il le surprit avec sa Cythérée,
  Le nez collé sur sa bouche sacrée,
  Faisant des dieux. Mars est un peu brutal ;
  Il prit sa lance, et, d’un coup détestable,

    Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.