L’art des jardins a été créé et perfectionné par Le Nostre pour l’agréable, et par La Quintinie pour l’utile. Il n’est pas vrai que Le Nostre ait poussé la simplicité jusqu’à embrasser familièrement le roi et le pape[1]. Son élève Collineau m’a protesté que ces historiettes, rapportées dans tant de dictionnaires, sont fausses ; et on n’a pas besoin de ce témoignage pour savoir qu’un intendant des jardins ne baise point les papes et les rois des deux côtés.
La gravure en pierres précieuses, les coins des médailles, les fontes des caractères pour l’imprimerie, tout cela s’est ressenti des progrès rapides des autres arts.
Les horlogers, qu’on peut regarder comme des physiciens de pratique, ont fait admirer leur esprit dans leur travail.
On a nuancé les étoffes, et même l’or qui les embellit, avec une intelligence et un goût si rare que telle étoffe, qui n’a été portée que par le luxe, méritait d’être conservée comme un monument d’industrie.
Enfin le siècle passé a mis celui où nous sommes en état de rassembler en un corps, et de transmettre à la postérité le dépôt de toutes les sciences et de tous les arts, tous poussés aussi loin que l’industrie humaine a pu aller ; et c’est à quoi a travaillé une société de savants remplis d’esprit et de lumières. Cet ouvrage immense et immortel semble accuser la brièveté de la vie des hommes[2]. Il a été commencé par MM. d’Alembert et Diderot, traversé et persécuté par l’envie et par l’ignorance, ce qui est le destin de toutes les grandes entreprises. Il eût été à souhaiter que quelques mains étrangères n’eussent pas défiguré cet important ouvrage par des déclamations puériles et des lieux communs insipides, qui n’empêchent pas que le reste de l’ouvrage ne soit utile au genre humain.
- ↑ André Le Nostre, fils d’un jardinier du roi, naquit en 1613, à Paris, où il mourut en 1700. Beaucoup d^ouvrages, même récents, racontent que Le Nostre embrassa effectivement Innocent XI, et qu’il en usait ainsi avec Louis XIV, de l’aveu même de ce monarque. Anobli par son maître, auquel il était fort attaché, mais sans adoration servile, il n’oublia ni son bonhomme de père ni sa bêche ; bien différent en cela de tant de vilains, improvisés grands seigneurs depuis le commencement du xixe siècle. (Cl.)
- ↑ C’était ici que finissait cet article dans les premières éditions ; voyez la lettre de d’Alembert, du 24 août 1752. La fin de l’alinéa a été ajoutée en 1763. Sur l’Encyclopédie, voyez une des notes sur le premier des Dialogues chrétiens.