< Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ayez du moins pitié de tant d’autres victimes ;
Frappez, ne craignez rien, vous m’épargnez des crimes.


Jocaste.

Ne vous accusez point d’un destin si cruel ;
Vous êtes malheureux, et non pas criminel :
Dans ce fatal combat que Daulis vous vit rendre,
Vous ignoriez quel sang vos mains allaient répandre ;
Et, sans trop rappeler cet affreux souvenir,
Je ne puis que me plaindre, et non pas vous punir.
Vivez…


Œdipe.

Moi, que je vive ! Il faut que je vous fuie.
Hélas ! Où traînerai-je une mourante vie ?
Sur quels bords malheureux, en quels tristes climats,
Ensevelir l’horreur qui s’attache à mes pas ?
Irai-je, errant encore, et me fuyant moi-même,
Mériter par le meurtre un nouveau diadème ?
Irai-je dans Corinthe, où mon triste destin
À des crimes plus grands réserve encor ma main ?
Corinthe ! Que jamais ta détestable rive…


Scène IV.

ŒDIPE, JOCASTE, DIMAS.

Dimas.

Seigneur, en ce moment un étranger arrive :
Il se dit de Corinthe, et demande à vous voir.


Œdipe.

Allons, dans un moment je vais le recevoir.

(À Jocaste.)

Adieu : que de vos pleurs la source se dissipe.
Vous ne reverrez plus l’inconsolable Œdipe :
C’en est fait, j’ai régné, vous n’avez plus d’époux ;
En cessant d’être roi, je cesse d’être à vous.
Je pars : je vais chercher, dans ma douleur mortelle,
Des pays où ma main ne soit point criminelle ;
Et vivant loin de vous, sans états, mais en roi,
Justifier les pleurs que vous versez pour moi.



FIN DU QUATRIÈME ACTE.


Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.