< Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vous soupirez pour lui ?


zaïre.

Qu’ai-je à lui reprocher ?
C’est moi qui l’offensais, moi qu’en cette journée
Il a vu souhaiter ce fatal hyménée ;
Le trône était tout prêt, le temple était paré,
Mon amant m’adorait, et j’ai tout différé.
Moi, qui devais ici trembler sous sa puissance,
J’ai de ses sentiments bravé la violence ;
J’ai soumis son amour, il fait ce que je veux,
Il m’a sacrifié ses transports amoureux.


fatime.

Ce malheureux amour, dont votre âme est blessée,
Peut-il en ce moment remplir votre pensée ?


zaïre.

Ah ! Fatime, tout sert à me désespérer :
Je sais que du sérail rien ne peut me tirer ;
Je voudrais des chrétiens voir l’heureuse contrée,
Quitter ce lieu funeste à mon âme égarée ;
Et je sens qu’à l’instant, prompte à me démentir,
Je fais des vœux secrets pour n’en jamais sortir.
Quel état ! quel tourment ! Non, mon âme inquiète
Ne sait ce qu’elle doit, ni ce qu’elle souhaite ;
Une terreur affreuse est tout ce que je sens.
Dieu ! détourne de moi ces noirs pressentiments ;
Prends soin de nos chrétiens, et veille sur mon frère !
Prends soin, du haut des cieux, d’une tête si chère !
Oui, je le vais trouver, je lui vais obéir :
Mais dès que de Solyme il aura pu partir,
Par son absence alors à parler enhardie.
J’apprends à mon amant le secret de ma vie :
Je lui dirai le culte où mon cœur est lié ;
Il lira dans ce cœur, il en aura pitié.
Mais dussé-je au supplice être ici condamnée,
Je ne trahirai point le sang dont je suis née.
Va, tu peux amener mon frère dans ces lieux.
Rappelle cet esclave.

    Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.