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« J’aimerai Lalagé, qui parle et rit avec tant de grâce. »

N’aimez-vous pas encore mieux la traduction de Sapho par Boileau :

Que l’on voit quelquefois doucement lui sourire,
Que l’on voit quelquefois tendrement lui parler ?

Quis desiderio sit pudor aut modus[1]
Tam cari capitis ?

Vous traduisez : « Quelle honte peut-il y avoir à pleurer un homme qui nous était si cher ? etc. »

Le mot de honte ne rend pas ici celui de pudor ; que peut-il y avoir n’est pas le style d’Horace. J’aurais peut-être mis à la place : « Peut-on rougir de regretter une tête si chère, peut-on sécher ses larmes ? »

Natis in usum lætitiæ scyphis
Pugnare Thracum est.

(Ode xxvii.)

Vous traduisez : « C’est aux Thraces de se battre avec les verres qui ont été faits pour la joie. »

On ne buvait point dans des verres alors, et les Thraces encore moins que les Romains.

N’aurait-il pas mieux valu dire : « C’est une barbarie des Thraces d’ensanglanter des repas destinés à la joie ? »

Nunc est bibendum, nunc pede libero[2]
Pulsanda tellus.

Vous traduisez : « C’est maintenant, mes chers amis, qu’il faut boire, et que sans rien craindre il faut danser de toute sa force. »

Frapper la terre d’un pas libre en cadence, ce n’est pas danser de toute sa force. Cette expression même n’est ni agréable, ni noble, ni d’Horace.

Je saute par-dessus cent questions grammaticales que je voudrais vous faire, pour vous demander compte du vin superbe de Cécube. Vous voulez absolument qu’Horace ait dit :

Tinget pavimentum superbo[3]
Pontificum potiore cœnis.

  1. Ode xxiv. (Note de Voltaire.)
  2. Ode xxxvii. (Id.)
  3. Livre II, ode xiv. (Id.)
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