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92 LETTRE AUX AUTEURS

trois jours, et n'ont jamais voulu que leurs sujets apprissent la langue castillane. Ce sont eux seuls qui font faire l'exercice des armes aux Paraguains; ce sont eux seuls qui les conduisent à la guerre. Le jésuite Thomas Vesle, natif de Bavière, fut tué à l'at- taque de la ville du Saint-Sacrement, en montant à l'assaut, à la tête des Paraguains, en 1737, et non pas en 1735, comme le dit le jésuite Cliarlevoix, auteur aussi insipide que mal instruit. On sait comme ils soutinrent la guerre contre don Antiquera ; on sait ce qu'ils ont tramé en dernier lieu contre la couronne de Por- tugal S et comme ils ont bravé les ordres du conseil de Madrid.

Ils sont si puissants qu'ils obtinrent de Philippe V, en 1743, une confirmation de leur puissance, qu'on ne pouvait leur ôter. Je sais bien, messieurs, qu'ils n'ont pas le titre de roi; et par là on peut excuser ce que vous dites de la misérable fable - de la royauté du Paraguai; mais le dey d'Alger n'est pas roi, et n'en est pas moins maître absolu. Je ne conseillerais pas à mon frère le capitaine de faire le voyage du Paraguai sans être le plus fort.

Au reste, messieurs, j'ai l'honneur de vous informer que mon frère le capitaine, qui est le loustig ^ du régiment, est un très-bon chrétien qui, en s'amusant à composer le roman de Candide, dans son quartier d'hiver, a eu principalement en vue de con- vertir les sociniens. Ces hérétiques ne se contentent pas de nier hautement la Trinité et les peines éternelles, ils disent que Dieu a nécessairement fait de notre monde le meilleur des mondes possibles, et que tout est bien. Cette idée est manifestement con- traire à la doctrine du péché originel. Ces novateurs oubhentque le serpent, qui était le plus subtil des animaux, séduisit la femme tirée de la côte d'Adam ; qu'Adam fut séduit à son tour, et que, pour les punir, Dieu maudit la terre qu'il avait bénie : Maledicta terra in opère tuo; in laboribus comedes exea cunctis diebus vitse tuœ^. Ignorent-ils que tous les pères de l'Église, sans en excepter un seul, ont fondé la religion chrétienne sur cette malédiction pro- noncée par Dieu même, et dont nous ressentons continuellement les effets? Les sociniens affectent d'exalter la Providence, et ils ne voient pas que nous sommes des coui)al)les tourmentés qui devons

1. Voyez, tome W , h; cliapiire wwiii du Précis du Siècle de Louis XV.

'2. Dans le Journal encyrlopcdique, du IT) mars 17r)9, le rédacteur, page 114, ne dit pas prccisénicnl misérable fable; mais il parle des « folies qu'on a débitées au sujet de la royauté (ju'on prétend que les jésuites possèdent au Paraguai ». C'est au chapitre xiv de Candide (voyez tome XXI, page ICJ) que Voltaire parle du roi/aume des jésuites ; voyez aussi la note, lonio XIJ. pauc 429.

3. Mot allemand qui signifie joyeux (note extraite du Journal encyclopédique).

4. Genèse, chapitre m, v. 17.

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