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efforts pour tâcher de vous persuader que le mot hébraïque sheol, qui signifie la fosse, le souterrain, pouvait aussi à toute force signifier l’hadès des Grecs, l’amantès, le tartarot des Égyptiens. Ah ! messieurs, d’aussi grandes, d’aussi terribles vérités, ne sont pas faites pour être devinées à l’aide de quelques subtilités, de quelques explications forcées : elles doivent être plus claires que

le jour, luce clariores.

Certainement ce n’est pas dans l’Écriture sainte que vous trouverez votre prétendue division du monde en trois parties : les cieux, qui étaient la demeure du Très-Haut ; la surface de la terre, et le creux de la terre, qui était l’enfer ; encore oubliez-vous l’Océan, qui est plus étendu que l’hémisphère habitable. Pouvez-vous, messieurs, avancer de pareilles chimères rabbiniques, et combattre dans mon ami des vérités si reconnues !

Quoi ! vous voulez prouver que les anciens Juifs admettaient un enfer et un royaume des cieux, et votre preuve est que dans l’Exode Dieu apparaît à Moïse dans un buisson ardent ! Juifs, et secrétaires juifs, souvenez-vous à jamais de saint Jérôme ; il vous dit dans sa lettre : « L’Évangile me promet la possession du royaume des cieux, dont il n’est pas fait la moindre mention dans vos écritures, »

Tournez-vous de tous les sens, messieurs les Juifs, vous ne trouverez chez vous aucune notion claire, ni de l’enfer, ni de l’immortalité de l’âme. Il n’y a que deux passages en faveur de la permanence de l’âme : c’est dans le second livre des Machabèes. Mais, de grâce, songez que vos héros Machabèes ne vinrent que plusieurs siècles après votre loi, et que l’histoire des Machabèes, écrite en grec pour les Hébreux, ne parut que longtemps après ces héros. Souvenez-vous des fortes objections renouvelées si souvent contre la véracité de ce livre. Vous savez qu’on a détruit l’authenticité des deux derniers dans notre Église, et que les deux premiers sont déclarés apocryphes dans les autres communions.

Sans entrer dans ce détail, messieurs, il nous suffit que ce soit à l’Évangile que nous devions la connaissance de l’immortalité de notre âme, et des peines et des récompenses après la mort. Ces dogmes, à la vérité, étaient reçus alors des autres nations ; mais ils ne sont démontrés que par notre Sauveur.

Vous tirez, en faveur de l’âme immortelle, une induction aussi ingénieuse que plausible de ces paroles si connues : Il fit l’homme à son image[1]. Car, dites-vous, ce n’est pas le corps qui

  1. Genèse, i, 27.}}
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