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SUR LE PREMIER DISCOURS.

artifice esl grossier. Ce qui est surprenant, c'est que ce défaut, qui semblerait venir de l'enfance de l'art, ne se trouve point dans Sophocle, un peu antérieur à Euripide. Ce sont toujours, dans les tragédies de Sophocle, les principaux acteurs qui expli- quent le sujel <lc la pièce, sans paraître vouloir l'expliquer; leurs desseins, leurs intérêts, leurs passions, s'annoncent de la manière la plus naturelle. Le dialogue porte l'émotion dans l'âme dès la première scène.

Plaute a cru remédier à ce désordre d'Euripide en introduisant un pro- logue détaché, etc.

Plante fait encore pis : non-seulement il fait paraître d'abord Mercure dans l'Amphitryon pour annoncer le sujet de sa tragi- comédie, pour prévenir les spectateurs surtout ce qu'il fera dans la pièce : mais au troisième acte, il dépouille Jupiter de son rùle d'acteur. Ce Jupiter adresse la parole au public, l'instruit de tout, et lui annonce ledénoûment. C'est prendre assurément bien de la peine pour (Mer aux spectateurs tout leur plaisir. Cepen- dant la pièce plut beaucoup aux Romains, malgré ce défaut énorme, et malgré les basses plaisanteries qu'Horace condamne dans Plaute : tant le sujet d'Amphitryon est piquant, intéressant, et comique par lui-même.

Térence., qui est venu depuis lui, a gardé ces prologues, et en a changé

la matière.

Les prologues de Térence sont dans un goût qui est encore imité par les Anglais. C'est un discours en vers adressé aux audi- teurs pour se les rendre favorables. Ce discours était prononcé d'ordinaire par l'entrepreneur de la troupe. Aujourd'hui, en Angleterre, ces prologues sont toujours composés par un ami de l'auteur. Térence employa presque toujours ces prologues à se plaindre de ses envieux, qui se servaient contre lui des mêmes armes. Une telle guerre est honteuse pour les beaux-arts.

i les prologues doivent avoir beaucoup d'invention, et je ne pense pas qu'on n'y puisse raisonnablement introduire que des dieux imaginaires de l'antiquité, qui ne laissent pas toutefois de parler des choses de notre temps, par une fiction poétique qui fait un grand accommodement de théâtre.

Il reste à savoir si ces fictions poétiques font au théâtre un accommodement si heureux; le prologue de la Nuit et de Mer- cure, dans Y Amphitryon de Molière, réussit autant que la pièce même: mais c'est qu'il est plein d'esprit, de grâces, et de bonnes plaisanteries. Le prologue d'Amadis fut regardé comme un chef-

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