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1634. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Paris, ce 7 janvier.

Sire, je reçois à la fois de quoi faire tourner plus d’une tête : une ancienne lettre[1] de Votre Majesté, datée du 29 de novembre ; deux médailles qui représentent au moins une partie de cette physionomie de roi et d’homme de génie ; le portrait de Sa Majesté la reine mère, celui de Mme la princesse Ulrique et enfin, pour comble de faveurs, des vers charmants du grand Frédéric, qui commencent ainsi :

Quitterez-vous bien sûrement
L’empire de Midas[2], votre ingrate patrie ?

M. le marquis de Fénelon avait tous ces trésors dans sa poche, et ne s’en est défait que le plus tard qu’il a pu. Il a traîné la négociation en longueur, comme s’il avait eu affaire à des Hollandais. Enfin me voilà en possession ; j’ai baisé tous les portraits ; Mme la princesse Ulrique en rougira si elle veut.

Il est fort insolent de baiser sans scrupule
De votre auguste sœur les modestes appas ;
Mais les voir, les tenir, et ne les baiser pas,
Cela serait trop ridicule.

J’en ai fait autant, sire, à vos vers, dont l’harmonie et la vivacité m’ont fait presque autant d’effet que la miniature de Son Altesse royale. Je disais ;

Quel est cet agréable son ?
D’où vient cette profusion
De belles rimes redoublées ?
Par qui les Muses appelées
Ont-elles quitté l’Helicon ?
Est-ce Bernard, mon compagnon,
Qui de fleurs sème les allees
Des jardins du sacré vallon ?
Est-ce l’architecte Amphion,
Par qui les pierres assemblées

  1. Elle a été perdue, ainsi que les vers charmant, qui étaient sans doute dans une autre lettre.
  2. Boyer, surnonmé l’âne de Mirepoix par Voltaire et Frédéric.
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