< Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je sens bien que M. de Richelieu voudrait une répétition des divertissements avant son départ pour l’Espagne ; mais, s’il veut tout précipiter, il gâtera tout. Il a déjà fait assez de tort à la pièce, en me forçant d’en faire le plan chez lui à Versailles, et d’y mettre une espèce de Jodelet dont vous l’avez dégoûté trop tard. Vous voyez, mon cher ange gardien, que votre empire est

assez difficile à conduire, et qu’il faut donner le temps à vos sujets de semer et de cultiver leurs terres, qui ne peuvent pas produire en trois mois.

Je crois enfin avoir, à peu de chose près, dégrossi la comédie. Je vais me mettre aux divertissements. Au nom de Dieu, ne m’en demandez pas trois dans un acte ter repetita nocent[1] ; cela serait insupportable. Il faut bien prendre garde que les ballets dans la pièce n’étouffent l’intérêt.

M. de Richelieu veut despotiquement que nous revenions à Paris, et je sens que mon cœur dit oui, puisque je vous reverrai.


1670. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Cirey, août.

Eh bien ! mes chers anges, tandis que vous y êtes, crayonnez encore cette guenille[2], et ne me laissez faire rien de médiocre. Quand vous en serez contents, ne la lisez et ne l’envoyez qu’à vos amis. Je crois que M. de Chauvelin[3] ne sera pas mécontent de la manière dont j’y traite messieurs des Alpes ; mais je voudrais qu’on fût aussi un peu satisfait à Metz[4].

S’il est bien vrai que le roi ait dit de lui-même que l’ode de Mme Bienvenu était trop mauvaise pour être de moi, nous sommes trop heureux. Nous avons un roi qui a du goût. Il faut donc

  1. Horace, de Arte poetica, 365, a dit :
    Decies repetita placebit.
  2. Voyez, tome IX, le poëme Sur les Événements de l’année 1744, lequel commence ainsi : Quoi ! verrai-je toujours des sottises en France !
  3. C’était probablement le chevalier de Chauvelin, nommé brigadier d’infanterie le 2 mai 1744 ; maréchal de camp, le 12 juillet 1746 ; et lieutenant général, en 1749 plus connu sous le titre de marquis de Chauvelin. Voyez la lettre que Voltaire lui adressa le 6 novembre 1759. (Cl.)
  4. Louis XV, arrivé à Metz le 4 août 1144, y était tombé malade le 8. Voyez, tome XV, le chapitre xii du Précis du Siècle de Louis XV.
Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.