< Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je ne l’aurais pas cru car, vois-tu, j’ai souvent
Entendu ma maîtresse avec un beau langage
Se moquer, en riant, des lois du mariage.


LISETTE.

Tout change avec le temps : on ne rit pas toujours ;
Ou devient sérieux au déclin des beaux jours.
La femme est un roseau que le moindre vent plie ;
Et bientôt il lui faut un soutien qui l’appuie.


PICARD.

Quand t’appuierai-je donc ?


LISETTE.

Va, nous attendrons bien
Que madame ait choisi monsieur pour son soutien.


PICARD.

Mais que va devenir Gourville avec son frère ?


LISETTE.

Je pense que l’aîné va dans un monastère ;
L’autre sera, je crois, cornette ou lieutenant.
Chacun suit son instinct ; tout s’arrange aisément.


PICARD.

Je ne sais, mon instinct me dit que ces affaires
Ne s’arrangeront pas ainsi que tu l’espères.


LISETTE.

Pourquoi ? Pour en douter quelles raisons as-tu ?


PICARD.

Je n’ai point de raisons, moi ; j’ai des yeux, j’ai vu
Que, lorsqu’on veut aux gens assurer quelque chose,
On se trompe toujours ; je n’en sais point la cause :
J’ai vu tant de messieurs qui pour tes doux appas
Disaient qu’ils reviendraient, et ne revenaient pas !


LISETTE.

Quoi ! Maroufle, insolent !


PICARD.

À ton tour, ma mignonne,
Jamais, en promettant, n’as-tu trompé personne ?


LISETTE.

Hem !


PICARD.

Ne te fâche point. Allons, rendons bien net
De notre cher savant le sale cabinet ;
Tenons la chambre propre : allons, la nuit approche.

    Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.