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DIGNANT.

Puis-je en tremblant prendre ici la licence
De vous parler ?


LE MARQUIS.

Sans doute, tu le peux :
Parle-moi d’elle.


DIGNANT.

Au transport douloureux
Où votre cœur devant moi s’abandonne,
Je ne reconnais plus votre personne.
Vous avez lu ce qu’on vous a porté,
Ce gros paquet qu’on vous a présenté ?…


LE MARQUIS.

Eh ! mon ami, suis-je en état de lire ?


DIGNANT.

Vous me faites frémir.


LE MARQUIS.

Que veux-tu-dire ?


DIGNANT.

Quoi ! ce paquet n’est pas encore ouvert ?


LE MARQUIS.

Non.


DIGNANT.

Juste ciel ! ce dernier coup me perd !


LE MARQUIS.

Comment ?… J’ai cru que c’était un mémoire
De mes forêts.


DIGNANT.

Hélas ! vous deviez croire
Que cet écrit était intéressant.


LE MARQUIS.

Eh ! lisons vite… Une table à l’instant ;
Approchez donc cette table.


DIGNANT.

Ah ! mon maître !
Qu’aura-t-on fait, et qu’allez-vous connaître ?


LE MARQUIS, assis, examine le paquet.

Mais ce paquet, qui n’est pas à mon nom,
Est cacheté des sceaux de ma maison ?


DIGNANT.

Oui.


LE MARQUIS.

Lisons donc.


DIGNANT.

Cet étrange mystère
En d’autres temps aurait de quoi vous plaire ;
Mais à présent il devient bien affreux.


LE MARQUIS, lisant.

Je ne vois rien jusqu’ici que d’heureux.
Je vois d’abord que le ciel la fit naître
D’un sang illustre ; et cela devait être.
Oui, plus je lis, plus je bénis les cieux.
Quoi ! Laure a mis ce dépôt précieux
Entre vos inains ! quoi ! Laure est donc sa mère ?

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