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ACANTHE.

J’aimerais mieux qu’il daignât me parler.

(À Colette, qui veut s’en aller.)


Ah ! reste ici : ce ravisseur m’accable…


COLETTE.

Ce ravisseur est pourtant fort aimable.


LE CHEVALIER, à Acanthe.

Conservez-vous au fond de votre cœur
Pour ma présence une invincible horreur ?


ACANTHE.

Vous devez être en horreur à vous-même.


LE CHEVALIER.

Oui, je le suis ; mais mon remords extrême
Répare tout, et doit vous apaiser.
Ma folle erreur avait pu m’abuser.
Je fus surpris par une indigne flamme ;
Et mon devoir m’amène ici, madame.


ACANTHE.

Madame ! à moi ? quel nom vous me donnez !
Je sais l’état où mes parents sont nés.


COLETTE.

Madame !… oh ! oh ! quel est donc ce langage ?


ACANTHE.

Cessez, monsieur ; ce titre est un outrage ;
C’est s’avilir que d’oser recevoir
Un faux honneur qu’on ne doit point avoir.
Je suis Acanthe, et mon nom doit suffire :
Il est sans tache.


LE CHEVALIER.

Ah ! que puis-je vous dire ?
Ce nom m’est cher : allez, vous oublierez
Mon attentat quand vous me connaîtrez ;
Vous trouverez très-bon que je vous aime.


ACANTHE.

Qui ? moi, monsieur !


COLETTE, à Acanthe.

C’est son remords extrême.


LE CHEVALIER.

N’en riez point, Colette ; je prétends
Qu’elle ait pour moi les plus purs sentiments.


ACANTHE.

Je ne sais pas quel dessein vous anime ;
Mais commencez par avoir mon estime.


LE CHEVALIER.

C’est le seul but que j’aurai désormais ;
J’en serai digne, et je vous le promets.


ACANTHE.

Je le désire, et me plais à vous croire.
Vous êtes né pour connaître la gloire ;
Mais ménagez la mienne, et me laissez.


LE CHEVALIER.

Non, c’est en vain que vous vous offensez.
Je ne suis point amoureux, je vous jure ;
Mais je prétends rester.

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