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COLETTE.

Bon, double injure.
Cet homme est fou, je l’ai pensé toujours.
Dormène vient, ma chère, à ton secours.
Démêle-toi de cette grande affaire ;
Ou donne grâce, ou garde ta colère.
Ton rôle est beau, tu fais ici la loi ;
Tu vois les grands à genoux devant toi.
Pour moi, je suis condamnée au village :
On ne m’enlève point, et j’en enrage.
On vient, adieu ; suis ton brillant destin,
Et je retourne à mon gros Mathurin.

(Elle sort.)



Scène V.



ACANTHE, LE CHEVALIER, DORMÈNE, DIGNANT.



ACANTHE.

Hélas ! madame, une fille éperdue
En rougissant paraît à votre vue.
Pourquoi faut-il, pour combler ma douleur,
Que l’on me laisse avec mon ravisseur ?
Et vous aussi, vous m’accablez, mon père !
À ce méchant au lieu de me soustraire,
Vous m’amenez vous-même dans ces lieux ;
Je l’y revois ; mon maître fuit mes yeux.
Mon père, au moins, c’est en vous que j’espère !


DIGNANT.

Ô cher objet ! vous n’avez plus de père !


ACANTHE.

Que dites-vous ?


DIGNANT.

Non, je ne le suis pas.


DORMÈNE.

Non, mon enfant, de si charmants appas
Sont nés d’un sang dont vous êtes plus digne.
Préparez-vous au changement insigne
De votre sort, et surtout pardonnez
Au chevalier.


ACANTHE.

Moi ? madame !


Apprenez,
Ma chère enfant, que Laure est votre mère.


ACANTHE.

Elle ! Est-il vrai ?


DORMÈNE.

Gernance est votre frère.


LE CHEVALIER.

Oui, je le suis ; oui, vous êtes ma sœur.

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