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ACTE III


Scène I

Datame, cydoniens.

Datame

Pensent-ils m’éblouir par la pompe royale,
par ce faste imposant que la richesse étale ?
Croit-on nous amollir ? Ces palais orgueilleux
ont de leur appareil effarouché mes yeux ;
ce fameux labyrinthe, où la Grèce raconte
que Minos autrefois ensevelit sa honte,
n’est qu’un repaire obscur, un spectacle d’horreur ;
ce temple, où Jupiter avec tant de splendeur
est descendu, dit-on, du haut de l’empyrée,
n’est qu’un lieu de carnage à sa première entrée [1];

  1. C‘était à l’entrée du temple qu'on tuait les victimes. Le sanctuaire était
    réservé pour les oracles, les Consultations et les autres simagrées. Les bœufs, les
    moutons, les chèvres, étaient immolés dans le périptère.

    Ces temples des anciens, excepté ceux de Venus et de Flore, n‘étaient au fond
    que des boucheries en colonnades. Les aromates qu'on y brûlait étaient absolument
    nôcessaires pour dissiper un peu la puanteur de ce carnage continuel; mais quelque
    peine qu’un prit pour jeter au loin les restes des cadavres, les boyaux, la fiente de
    taut d'animaux, pour laver le pavé couvert de sang, de fiel, d'urine, et de fange,
    il était bien difficile d‘y parvenir.

    L‘historien Flavien Josèphe dit qu'un immola deux cent cinquante mille victimes en deux heures de temps, à la pâque qui précéda la prise de Jérusalem. On
    sait combien ce Josèphe était exagéraleur; quelles ridicules hyperboles il employa
    pour faire valoir sa misérable nation; quelle profusion de prodiges impertinents
    il étala; avec quel mépris ces mensonges furent reçus par les Romains; comme il
    fut relancé par Apien, et connue il répondit par de nouvelles hyperboles à celles
    qu'on lui reprochait. On a remarqué qu'il aurait fallu plus de cinquante mille
    prêtres bouchers pour examiner, pour tuer en cérémonie, pour dépecer, pour partager tant d’animaux. Cette exagération est inconcevable; mais enfin il est certain que les victime étaient nombreuses dans cette boucherie comme dans toutes les
    autres. L'usage de réserver les meilleurs morceaux pour les prêtres était établi
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