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dialogues philosophiques

fait des miracles ! se mêler de prédire l’avenir ! quelle

charlatanerie insupportable !


LE MANDARIN. — Je suis bien aise que l’imposture et la superstition vous déplaisent.


LE JÉSUITE. — Il faut que vos bonzes soient de grands fripons.


LE MANDARIN. — Pardonnez ; j’en disais autant en voyant en Europe certaines cérémonies, certains prodiges que les uns appellent des fraudes pieuses, les autres des scandales. Chaque pays a ses bonzes. Mais j’ai reconnu qu’il y en a autant de trompés que de trompeurs. Le grand nombre est de ceux que l’enthousiasme aveugle dans leur jeunesse, et qui ne recouvrent jamais la vue ; il y en a d’autres qui ont conservé un œil, et qui voient tout de travers. Ceux-là sont des charlatans imbéciles.


LE JÉSUITE. — Vous devez faire une grande différence entre nous et vos bonzes ; ils bâtissent sur l’erreur et nous sur la vérité ; et si quelquefois nous l’avons embellie par des fables, n’est-il pas permis de tromper les hommes pour leur bien ?


LE MANDARIN. — Je crois qu’il n’est permis de tromper en aucun cas, et qu’il n’en peut résulter que beaucoup de mal.

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