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se désintéresser complètement des réalités présentes. Il laissait le brave homme mener le haut fourneau selon la routine acquise, ayant cessé lui-même de se préoccuper des améliorations, des perfectionnements possibles, considérant ces choses comme des progrès relatifs et transitoires, sans importance depuis qu’il cherchait la transformation radicale, cette fonte du fer par l’électricité, qui révolutionnerait l’industrie métallurgiques. C’était même Sœurette qui devait intervenir parfois, prendre certaines décisions avec Laroche, lorsqu’elle savait son frère le cerveau hanté d’une recherche et qu’elle ne voulait pas le troubler d’une préoccupation étrangère. Et, tout d’un coup, la mort de Laroche venait de jeter dans ce train des choses, si bien réglé un tel désarroi, que Jordan, s’estimant assez riche et sans ambition aucune, se serait débarrassé volontiers du haut fourneau, en entamant tout de suite des négociations avec Delaveau, dont il connaissait le désir, si Sœurette, plus sage, n’avait obtenu de lui qu’il consulterait d’abord Luc, en qui elle avait une grande confiance. De là, l’appel pressant reçu par le jeune homme, et qui l’avait fait tomber si brusquement à Beauclair.

Luc connaissait les Jordan le frère et la sœur depuis qu’il les avait rencontrés chez les Boisgelin, à Paris, où ils s’étaient fixés tout un hiver, afin de mener à bien certaines études. Rapidement une grande sympathie s’était nouée, faite chez lui d’une admiration vive pour le frère, dont le génie scientifique le passionnait et d’une profonde affection, mêlée de respect, pour la sœur, qui lui apparaissait comme une divine figure de la bonté. Il travaillait alors lui-même avec le célèbre chimiste Bourdin, chargé d’étudier des minerais de fer trop sulfurés et trop phosphatés, qu’il s’agissait de rendre utilisables et Sœurette se souvenait des détails qu’il avait donnés à son frère, la conversation d’un soir qui était restée vivante

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