Elle l’écoutait, l’air surpris et confus, ne sachant comment ne pas dire le contraire de son mari, sans mentir.
« Oui, monsieur Luc, il y a eu des carreaux cassés, mais je ne suis pas bien sûre que ce soit à cause du vent. Et sans doute lorsque le vent souffle de la plaine, nous en avons notre bonne part. »
Sa voix tremblait, elle ne put retenir deux grosses larmes. C’était Ragu, qui, le matin même, dans un emportement, avait cassé les vitres, en voulant tout jeter par la fenêtre.
« Comment Josine, vous pleurez ? Voyons, parlez, confessez-vous à moi. Vous savez bien que je suis votre ami. »
Et il s’était assis près d’elle, très ému, partageant sa peine. Mais, déjà, elle avait essuyé ses larmes.
« Non, non, ce n’est rien. Je vous demande pardon, vous me trouvez dans un mauvais moment, en train de ne pas être raisonnable et de me faire du chagrin. »
Elle eut beau se débattre, il la confessa. Ragu ne s’acclimatait pas, dans ce milieu d’ordre, de paix d’effort lent et continu vers l’existence meilleure. Il semblait avoir la nostalgie de la misère, de la souffrance, de ce salariat où il avait vécu, grondant contre le patron, mais fait au pli de l’esclavage, s’en consolant au cabaret dans l’ivresse, dans une révolte de paroles impuissantes. Il regrettait les ateliers noirs et sales, la guerre sourde avec les chefs les bordées tapageuses avec les camarades, toutes ces abominables journées de haine qu’on achevait au logis en battant la femme et les enfants. Et, ayant commencé par des plaisanteries, il en arrivait aux accusations, il traitait la Crêcherie de grande caserne, de prison où l’on n’avait plus aucune liberté, pas même celle de boire un coup de trop, si l’envie vous en prenait. Jusqu’à présent, on n’y gagnait pas plus qu’à l’Abîme, et l’on y avait toutes sortes de soucis l’inquiétude que ça