de colère et de douleur, en sentant les deux étaux dans lesquels il venait de la prendre, en voyant ses deux bras si délicats, si blancs, se cercler de rouge.
« Tu me bats maintenant, goujat, brute ! Ah ! tu me bats, tu me bats ! »
Et elle avançait sa face délicieuse, que la rage bouleversait, elle crachait son mépris de tout près dans ce visage d’homme ; qu’elle aurait voulu déchirer. Jamais elle ne l’avait exécré davantage, jamais elle ne s’était irritée à ce point de sa carrure massive de dogue. Sa longue rancune remontait, la poussait à un besoin de quelque insulte irréparable, pour en finir. Et sa cruauté cherchait la blessure empoisonnée, celle qui le ferait le plus crier et souffrir.
« Tu n’es qu’une brute, tu n’es pas capable de diriger un atelier de dix hommes ! »
À cette insulte singulière, il fut pris d’un rire convulsif, tellement cela lui parut stupide, enfantin. Et ce rire acheva de la jeter à une exaspération telle, qu’elle finit par délirer. Que lui dire donc pour que le coup fût mortel et qu’il cessât de rire ?
« Oui, c’est moi qui t’ai fait, sans moi tu ne serais pas resté un an directeur de l’Abîme. »
Il riait plus fort.
« Tu es folle, ma chère, tu dis de si grosses bêtises, que cela ne m’atteint pas.
— Ah ! je dis des bêtises, ah ! ce n’est pas grâce à moi que tu as gardé ta place ! »
Brusquement, l’aveu lui était monté à la gorge. Lui crier ça dans sa figure de chien, lui crier qu’elle ne l’avait jamais aimé, qu’elle était la maîtresse d’un autre ! C’était le coup de couteau qui ferait taire son rire. Et comme ça la soulagerait, comme elle goûterait une terrible et féroce volupté, dans la débâcle de sa vie qui craquait sous elle ! Une fois encore, la vision de Ragu