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détermine les drames abominables. C’était elle qui, en moins d’un demi-siècle, avait dévoré cette force, cette intelligence, ce génie, dont la réserve s’était faite chez les Qurignon pendant des siècles de rude labeur. Leur faute, à ces ouvriers si robustes, avait été de croire qu’ils devaient, pour leur bonheur personnel, s’emparer et jouir de la richesse qu’ils créaient avec les bras des camarades. Et la richesse rêvée, la richesse réalisée, venait d’être le châtiment. Rien n’était d’une pire morale que de donner en exemple l’ouvrier enrichit, devenu patron, maître souverain de milliers d’hommes courbés sur la tâche, suant l’argent dont il triomphe. Lorsqu’on dit  : «  Avec de l’ordre et de l’intelligence, vous voyez bien qu’un simple forgeron peut arriver à tout  », on pousse simplement à l’œuvre d’iniquité, on aggrave le déséquilibre social. Le bonheur de l’élu n’est fait que du malheur des autres, car c’est leur bonheur à ceux-là qu’il rogne et qu’il vole. Un camarade qui arrive barre le chemin à des milliers de camarades, vit désormais de leur misère et de leur souffrance. Et souvent cet heureux est puni par le succès, par la fortune elle-même, trop hâtive, disproportionnée, dès lors meurtrière. Et c’est pourquoi l’unique vérité était de revenir au travail sauveur, au travail de tous, à tous gagnant leur vie, ne devant leur joie qu’à leur intelligence et à leurs bras.

«  Il faut rendre, il faut rendre, il faut rendre…  »

Il faut rendre, parce qu’on meurt du bien volé à autrui. Il faut rendre, parce que l’unique guérison, l’unique certitude et l’unique bonheur sont là. Il faut rendre, par esprit de justice et plus encore par intérêt personnel, le bonheur de chacun ne pouvant être que dans le bonheur de tous. Il faut rendre pour se mieux porter, pour vivre une vie saine et heureuse, au milieu de la paix universelle. Il faut rendre, car si tous les conquérants injustes, si tous les détenteurs égoïstes de la fortune publique

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