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debout derrière eux, semblaient les couvrir de leur sollicitude.

«  Songez donc  ! mon ami, reprit Jordan, nous mêlons nos vies depuis tant d’années, dans des besognes parallèles  ! Nous avons fini par être faits l’un de l’autre. Et j’aurais emporté un remords, si je ne m’étais pas encore excusé d’avoir si peu cru en votre œuvre, au début, lorsque vous êtes venu à moi, en me demandant mon aide, pour construire la future Cité de justice. J’étais convaincu d’un échec.  »

Luc se mit à rire.

«  Oui, oui, mon ami, comme vous le disiez, les luttes politiques, économiques et sociales, n’étaient point votre affaire… Sans doute, il y a eu parmi les hommes tant de vaines agitations  ! Mais quoi  ? fallait-il donc ne pas se mêler des faits, laisser l’évolution s’accomplir d’elle-même, dédaigner de hâter l’heure de la délivrance  ? Toutes les compromissions, parfois nécessaires, toutes les basses besognes des conducteurs d’hommes ont eu leur excuse dans les étapes doubles qu’elles ont aidé parfois à franchir.  »

Vivement, Jordan l’interrompit.

«  Vous aviez raison, mon ami, et vous me l’avez prouvé magnifiquement. Votre lutte, ici, a hâté, a créé tout un monde. Peut-être avez-vous gagné cent ans sur la misère, sur la souffrance humaine, et cette ville nouvelle, ce Beauclair aujourd’hui régénéré, où fleurit plus de justice et plus de bonheur, dit la bonté de votre mission, la gloire bienfaisante de votre œuvre… Vous le voyez, je suis avec vous de toute ma raison et de tout mon cœur, je ne voudrais point vous quitter sans vous répéter combien vous m’avez acquis à votre effort, et avec quelle affection croissante je vous ai suivi, dans tout ce que vous venez de réaliser d’humain et de grand… Souvent, vous avez été mon exemple.  »

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