QU’EN AVEZ-VOUS FAIT ?
Vous aviez mon cœur,
Moi, j’avais le vôtre :
Un cœur pour un cœur ;
Bonheur pour bonheur !
Le vôtre est rendu ;
Je n’en ai plus d’autre ;
Le vôtre est rendu,
Le mien est perdu !
La feuille et la fleur
Et le fruit lui-même,
La feuille et la fleur,
L’encens, la couleur :
Qu’en avez-vous fait,
Mon maître suprême ?
Qu’en avez-vous fait,
De ce doux bienfait ?
Comme un pauvre enfant,
Quitté par sa mère,
Comme un pauvre enfant,
Que rien ne défend :
Vous me laissez là.
Dans ma vie amère ;
Vous me laissez là,
Et Dieu voit cela !
Savez-vous qu’un jour
L’homme est seul au monde ?
Savez-vous qu’un jour
Il revoit l’amour ?
Vous appellerez,
Sans qu’on vous réponde.
Vous appellerez.
Et vous songerez ! …
Vous viendrez rêvant,
Sonner à ma porte ;
Ami comme avant,
Vous viendrez rêvant.
Et l’on vous dira :
„Personne !… elle est morte !“
On vous le dira :
Mais qui vous plaindra ?
Cher petit oreiller, doux et chaud sous ma tête,
Plein de plumes choisies, et blanc, et fait pour moi !
Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête,
Cher petit oreiller, que je dors bien sur toi !
Beaucoup, beaucoup d’enfants, pauvres et nus, sans mère,
Sans maison, n’ont jamais d’oreiller pour dormir ;
Ils ont toujours sommeil ! ô destinée amère !
Maman, douce maman, cela me fait gémir.
Et quand j’ai prié Dieu pour tous ces petits anges
Qui n’ont pas d’oreiller, moi, j’embrasse le mien ;
Et, seule en mon doux nid qu’à tes pieds tu m’arranges,
Je te bénis, ma mère, et je touche le tien.
Je ne m’éveillerai qu’à la lueur première
De l’aube au rideau bleu : c’est si gai de la voir !
Je vais dire tout bas ma plus tendre prière,
Donne encor un baiser, douce maman ; bon soir !
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