< Un mariage scandaleux
Librairie de Achille Faure (p. 485-500).

XXI


On voit bien du changement en six années, même à Chavagny. Toutefois, en y rentrant au mois de juillet 1852, nous retrouvons au bourg sa même physionomie : la maison de maître Perronneau s’étale toujours imposante sur la grand’place avec ses rideaux de coton rouge ; mais la brune figure de Chérie nous apparaît cette fois sous un bonnet à fleurs et à rubans, au moment où elle descend d’une américaine conduite par M. Gorin, tenant à la main une petite fille de quatre ans environ, qui porte une robe à volants et un chapeau de soie, tandis que la Perronnelle, épanouie d’orgueil et de maternité, vient à leur rencontre. Mme Gorin a beaucoup enlaidi en quittant sa coiffe ; mais Mlle Boc en revanche est toujours la même ; derrière la fenêtre de la maison aux contrevents verts, voici bien sa figure sèche et curieuse, encadrée par les énormes tuyaux de son bonnet blanc, et l’aiguille à tricoter, fichée sur sa tempe, heurte inévitablement la vitre au bruit de vos pas.

Au seuil des maisons de la Grand ’Rue, ce sont toujours les mômes matrones, filant leur quenouille ou ravaudant. Il n’y a de changé que quelques enfants de plus. Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/498 Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/499 Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/500 Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/501 Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/502 Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/503 Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/504 Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/505 Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/506 Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/507 Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/508 Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/509 Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/510 Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/511 mille lieues ! Sans doute, elle est à jamais perdue pour eux.

— Et que vont-ils faire là-bas ?

— M. Gavel ne pouvait plus rester en France. Il est chargé par une compagnie d’étudier les terrains de l’isthme de Panama, au point de vue du percement, et aussi des mines d’or. Aurélie emmène son fils, et laisse la petite Madeleine à sa mère.

— Elle l’élèvera bien ! Si j’étais que M. Bourdon, j’emploierais toute mon autorité sur ma fille pour qu’elle reste avec moi. Et qu’est-ce qu’elle doit à un pareil mari ?

— M. Bourdon y pensait. Je lui ai conseillé de n’en rien faire. Mon oncle, lui ai-je dit, je connais bien Aurélie : chez vous, dans cette position d’épouse malheureuse et isolée, son orgueil souffrirait trop, et son caractère s’aigrirait. Laissez-la s’immoler à ce qu’elle croit son devoir : c’est la seule consolation qui lui reste. Vois-tu, Gène, Aurélie fait ce qu’elle croit devoir faire ; mais chez les êtres comme elle, la vertu même est composée d’orgueil. Elle ne se demande pas si l’intérêt moral de ses enfants et sa propre dignité lui permettent de partager la vie d’un homme aussi méprisable ; mais ne pouvant se parer de bonheur, il faut au moins qu’elle se drape dans un dévouement.

FIN

Corbeil, typ. et stér. de Crété.
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