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lorsqu’elle jouit des plaisirs de la chair les plus voluptueux.

Toute l’Europe a su l’aventure du père Dirrag et de Mlle Éradice, tout le monde en a raisonné, mais peu de personnes ont connu réellement le fond de cette histoire, qui était devenue une affaire de parti entre les M… et les J…[1]. Je ne répéterai point ici ce qui en a été dit ; toutes les procédures vous sont connues ; vous avez vu les factums, les écrits qui ont paru de part et d’autre, et vous savez quelle en a été la suite. Voici le peu que j’en sais par moi-même, au delà du fait dont je viens de vous rendre compte.

Mlle Éradice est à peu près de mon âge. Elle est née à Volnot, fille d’un marchand, auprès duquel ma mère se logea lorsqu’elle alla s’établir dans cette ville. Sa taille est bien prise, et sa peau d’une beauté singulière, blanche à ravir ; ses cheveux noirs comme jais ; de très beaux yeux, un air de vierge. Nous avons été amies dans l’enfance ; mais, lorsque je fus mise au couvent, je la perdis de vue. Sa passion dominante était de se distinguer de ses compagnes, de faire parler d’elle. Cette passion, jointe à un grand

  1. Les Moines (sans doute) et les Jésuites. Ce fut, en réalité, une lutte acharnée entre jansénistes et jésuites.
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