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devins. Qu’est-ce que le devin peut voir en effet ? La mort, les périls, la maladie, et autres choses de cette sorte ; rien de plus. Si donc il me faut braver un danger pour un ami, si mon devoir est de mourir pour lui, quel besoin ai-je de consulter le devin ? N’ai-je pas en moi un oracle, qui me dira où est le vrai bien et le vrai mal, et qui me fera connaître les caractères de l’un et de l’autre ? Qu'ai-je donc encore besoin des entrailles et des oiseaux ? Et supporterai-je le devin quand il me dit : « Voilà ce qui t’est utile ? » Est-ce qu’en effet il sait ce qui est utile ? Est-ce qu’il sait ce qui est bien ? Est-ce qu’il a appris à connaître les caractères du bien et du mal, comme ceux des entrailles ? S’il connaissait ceux du bien et du mal, il connaîtrait aussi ceux de la beauté et de la laideur, de la justice et de l’injustice ! « Homme, dis-moi ce qui m’est présagé, la vie ou la mort, la pauvreté ou la richesse. Mais me seront-elles utiles ou fatales, c’est ce que je ne te demanderai pas. Pourquoi ne parles-tu jamais sur la grammaire, mais seulement sur les questions où nous sommes dans l’incertitude, et en désaccord les uns avec les autres ?[1] » Aussi est-ce une belle réponse que celle de cette femme qui voulait envoyer à l’exilée Gratilla un bâtiment chargé de vivres pour un mois, et à qui on disait que Domitien le ferait enlever : « J’aime mieux, dit-elle, qu’il l’enlève que de ne pas l’envoyer. »

Qu’est-ce qui nous pousse donc continuellement à consulter les oracles ? Notre lâcheté, notre frayeur de ce qui doit arriver. C’est pour cela que nous

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