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pantomime Pierrot Assassin de sa Femme[1] composé

et rédigé par M. Paul Margueritte. Monomime plutôt, dirai-je avec l’auteur, devant le tacite soliloque que tout du long à soi-même tient et du visage et des gestes le fantôme blanc comme une page pas encore écrite. Un toubillon de pensées délicates et neuves émane, que je voudrais saisir avec sûreté, et dire. Toute l’esthétique là d’un genre situé plus près des principes qu’aucun autre ! rien dans cette région de la fantaisie ne pouvant contrarier l’instinct simplificateur et direct. Voici. « La scène n’illustre que l’idée, non une action effective, par un hymen d’où procède le Rêve, vicieux, mais sacré, entre le désir et l’accomplissement, la perpétration et son souvenir : ici devançant, là remémorant, au futur, au passé, sous une apparence fausse de présent. Ainsi opère le Mime, dont le jeu se borne à une perpétuelle allusion : il n’installe autrement un milieu pur de fiction. » Ce rien merveilleux, moins qu’un millier de lignes, qui le lira comme je viens de le faire, comprendra les règles éternelles, ainsi que devant un tréteau, leur dépositaire humble. La surprise, charmante aussi, que cause l’artifice d’une notation de sentiments par des phrases point proférées, est que, dans ce seul cas peut-être avec authenticité, entre les feuillets et le regard s’établit le silence, délice de la lecture.

Stéphane Mallarmé
  1. Chez Calmann Lévy (Nouvelle édition, 1886).
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