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bientôt une autre visite dont je vous préviens : c’est celle de M. Turgot[1], maître des requêtes, plein de philosophie, de lumières, et de connaissances, et fort de mes amis, qui veut aller vous voir en bonne fortune ; je dis en bonne fortune, car, propter metum Jndæorum[2], il ne faut pas qu’il s’en vante trop, ni vous non plus. Adieu, mon cher et grand philosophe.


4268. — À M. LE COMTE DE TRESSAN.
Au château de Ferney, 23 septembre.

Je vous fais mon compliment, comme mille autres, mon très-aimable gouverneur, et, je crois, plus sincèrement et plus tendrement que mille autres. Je défie les Menoux même de s’intéresser plus à vous que moi. Vous voilà gouverneur[3] de la Lorraine allemande ; vous aurez beau faire, vous ne serez jamais Allemand. Mais pourquoi n’êtes-vous pas gouverneur de mon petit pays de Gex ! pourquoi Tityre ne fait-il pas paître ses moutons sous un Pollion tel que vous ! J’ai l’honneur de vous envoyer les deux premiers exemplaires d’une partie de l’Histoire de Pierre le Grand. Il y a un an[4] qu’ils sont imprimés : mais je n’ai pu les faire paraître plus tôt, parce qu’il a fallu auparavant le consentement de la cour de Pétersbourg. Vous êtes, comme de raison, le premier à qui je présente cet hommage. Vous verrez que j’ai fait usage du témoignage honorable[5] que je vous dois. De ces deux exemplaires, il y en a un pour le roi de Pologne. Je manquerais à mon devoir si je priais un autre que vous de mettre à ses pieds cette faible marque de mon respect et de ma reconnaissance. Il est vrai que je lui présente l’histoire de son ennemi : mais celui qui embellit Nancy rend justice à celui qui a bâti Pétersbourg ; et le cœur de Stanislas n’a point d’ennemi. Permettez donc, mon adorable gouverneur, que je m’adresse à vous pour faire parvenir Pierre le Grand à Stanislas le Bienfaisant. Ce dernier titre est le plus beau.

La Lorraine allemande vous fait-elle oublier l’Académie française, dont vous seriez l’ornement ? Certainement vous ne feriez pas une harangue dans le goût de notre ami Lefranc de Pompignan. Vous n’auriez point protégé la pièce des Philosophes ; et, sans déplaire à l’auguste fille du roi de Pologne, auprès de qui

  1. Voyez tome XXIX, page 369.
  2. Jean, chap. viii, 13.
  3. À Bitche, ville de l’ancienne généralité de Nancy.
  4. Voyez le second alinéa de la lettre 3940.
  5. Allusion au petit certificat dont Voltaire parle plus haut, dans la lettre 4231.
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